Tunis, le 19 mars 2011

Soutenir la révolution tunisienne Intervention au nom d’Attac Rhône au meeting du RAID pour l’annulation de la dette publique tunisienne à Tunis le 19 mars 2011

, par Robert Joumard

C’est bien sûr avec beaucoup de plaisir que les citoyens européens épris de liberté, de justice et de solidarité assistent aux mouvements d’émancipation de nombreux peuples arabes, en Tunisie, en Égypte, en Lybie et ailleurs. Ces peuples en lutte ont en face d’eux d’une part des classes dominantes locales qui accaparent pouvoir et richesse, mais aussi ceux qui, en Europe et ailleurs, ne voient dans ces pays que des marchés à prendre, des occasions de gagner le plus possible d’argent. Ces élites occidentales et tous les adeptes du « choc des civilisations » ont donc défendu les dictatures arabes jusqu’à l’avant-dernière heure sous le prétexte de remparts face à l’islamisme. Quelles qu’en soient les conséquences pour les citoyens de ces pays.

Ce comportement était celui des colonisateurs, il reste depuis la décolonisation celui de la plupart des gouvernements européens, et notamment celui du gouvernement français dont nous avons pu voir l’indécence des propos et le mépris pour les citoyens qui luttent.

C’est avec admiration que des citoyens européens apportent leur soutien aux peuples qui tentent de s’affranchir des oligarchies nationales et internationales. Ce soutien n’est pas nouveau : depuis dix ans, en raison de relations privilégiées avec Raid / ATTAC Tunisie, ATTAC Lyon soutenait les opposants à la dictature de Ben Ali et dénonçait ce régime qui n’avait rien d’un « moindre mal », mais tout d’une dictature qui bâillonnait, réprimait et emprisonnait arbitrairement. Et nous sommes heureux que les militants d’Attac Tunisie puissent enfin exister, analyser les problèmes, faire des propositions, s’exprimer, participer à la lutte des citoyens tunisiens et au mouvement social mondial.

Notre soutien a deux volets : d’abord soutenir ceux qui luttent, comme nous, pour leur émancipation. Mais c’est aussi un soutien à notre propre lutte en Europe. Car il n’y a rien de plus dangereux pour ceux qui président aux destinées des soit-disant démocraties à coup de dénis de démocratie, d’embrigadement dans les douceurs anesthésiantes de la société de consommation, de lois anti-sociales, il n’y a rien de plus dangereux pour ces oligarchies que la révolution d’un peuple qui prétend recouvrer sa souveraineté, c’est-à-dire construire une démocratie. Car la démocratie, ce n’est pas l’élection de représentants, qui ne représentent souvent guère les citoyens grâce à de nombreux artifices dont nous avons nombre d’exemple dans l’Union européenne. "La démocratie est le pouvoir de ceux qui n’ont aucun titre particulier à l’exercer, c’est-à-dire de tous". C’est ce qui permet à chacun d’avoir autant de pouvoir que tout autre pour décider de son avenir. Ce n’est pas le pouvoir des plus instruits, ni des plus riches, ni des plus puissants. C’est difficile à instaurer, et c’est encore plus difficile à conserver, car nombreux sont ceux qui ont les dents longues et pour qui la démocratie est mortelle.

Aujourd’hui, ces dents longues se cachent derrière l’admirable théorie du "marché libre et non faussé", ce marché qui prétend agir automatiquement et naturellement pour le bien de tous. Ce marché si cher aux néolibéraux est la première de leurs valeurs, ce qui justifie toutes les atteintes à la démocratie et aux libertés. C’est ce "marché libre et non faussé" qui permet aux plus riches et aux plus puissants d’être encore plus riches et encore plus puissants. Il défend la liberté du renard dans le poulailler et non la liberté tout court, l’égalité et la souveraineté des peuples.

Et c’est de l’intérêt de chaque peuple que les autres peuples soient souverains. C’est donc pour eux, pour nous, pour tous les citoyens, que les peuples arabes luttent aujourd’hui. Nous saluons la mémoire de ceux qui l’ont payé de leur vie. Nous exprimons notre admiration devant ce qui a été accompli et devant le courage des manifestants tunisiens, égyptiens et libyens.

Attac Rhône, 44, rue St-Georges, 69005 Lyon, France