Restructuration de la dette et Assemblée constituante en Islande Attac Islande, le 18 février 2011 / Árni Daníel Júlíusson / attacis@gmail.com

, par Robert Joumard

La restructuration de la dette est au centre des débats en Islande, la question de la banque Icesave ayant été placée dès à présent en tête des priorités. Le gouvernement a passé un accord avec la Grande Bretagne et la Hollande, baptisé Icesave III, dans lequel les contribuables islandais sont censés payer pour le comportement irresponsable de l’oligarchie financière internationale concernant les comptes Icesave. Cet accord est très impopulaire et un appel à référendum national a été lancé. Nous espérons que le Président répondra aux appels insistants en ce sens, mais le Parlement a déjà entériné l’accord.

Une nouvelle constitution, telle était la demande au cœur des protestations qui ont fait tomber le gouvernement de droite jugé responsable politiquement de l’effondrement de l’Islande. Reportez vous au site http://this.is/nei/?p=2808 (en islandais, malheureusement très peu de documents disponibles en anglais ou en français sur cette question, mais essayez Google translation). Cela a conduit le nouveau gouvernement « de gauche » nommé en février 2009 à organiser en novembre dernier l’élection d’une Assemblée constituante. 25 députés ont été élus à cette Assemblée en novembre, mais le taux de participation a été relativement faible, tout comme l’intérêt porté à ce projet. Les débats électoraux ont été dominés par un programme très étroit et formel, sans que les questions essentielles sur les droits humains, politiques, culturels et économiques et les problèmes d’environnement n’aient été véritablement abordés. La gauche anticapitaliste s’est révélée incapable de réagir sur ces questions ou de définir un programme, faisant ainsi preuve de sa faiblesse.

La Haute cour islandaise a ensuite invalidé l’élection de l’Assemblée pour des motifs futiles. La raison invoquée a été le désordre des élections, mais aucun désordre n’a été clairement établi. Les éléments conservateurs de la classe dirigeante islandaise n’acceptent pas l’idée d’une Assemblée constituante et la combattent bec et ongles. C’est une des rares demandes concrètes du mouvement de janvier (qui a renversé l’ancien gouvernement en janvier 2009) qui ait été réellement satisfaite. La nouvelle Assemblée constituante s’engage à rédiger une constitution plus moderne et plus démocratique que l’ancienne, mais il est peu probable qu’elle marque un tournant dans le combat anticapitaliste. Les discussions préparatoires ont été mal organisées et n’abordent pas les problèmes réels liés aux effets du Consensus de Washington, etc., véritable cauchemar du monde actuel.

Les possibilités de voir l’Islande devenir un bastion de l’anticapitalisme sont malheureusement fort limitées.

Il ne s’agit pas véritablement d’une révolution anticapitaliste, même s’il existe sans doute quelques éléments révolutionnaires. Elle s’explique par la fin de l’hégémonie de la classe dirigeante et la faillite complète de toutes ses stratégies et tactiques en octobre 2008.

Cela a abouti à un mouvement populaire qui a renversé le gouvernement en janvier 2009, exigé et obtenu l’organisation d’élections parlementaires en avril 2009. Ce mouvement populaire et les élections ont porté au pouvoir un gouvernement de gauche composé de socio-démocrates et de socialistes écologistes, premier gouvernement entièrement de gauche dans l’histoire de l’Islande. Ce gouvernement n’a pas abandonné la voie du Consensus de Washington et œuvre avec le FMI à la restauration de l’hégémonie des capitalistes financiers en Islande. C’est pourquoi il cherche entre autres à faire entrer l’Islande dans L’Union européenne, essentiellement en s’efforçant de convaincre la communauté internationale (lire la communauté financière internationale) que l’Islande est redevenue un pays « responsable », c’est-à-dire qu’il accepte le règne sans entrave du capital financier. Toutefois, le parti socialiste/écologiste est divisé et son aile gauche a le soutien des éléments les plus radicaux du mouvement populaire. Ces derniers étant nombreux et actifs, la gauche n’est pas sans influence.

Les anticapitalistes, ou plus exactement la gauche anti-néolibérale, ont ainsi remporté plusieurs victoires, la plus notable étant l’organisation d’un référendum sur Icesave en mars 2010. Les activités d’Eva Joly et de son équipe visant à rechercher et faire traduire les délinquants financiers devant les tribunaux ont porté leurs fruits, et les travaux du comité de recherche du Parlement publiés en mai 2010 ont renforcé la crise d’hégémonie de la classe capitaliste en révélant sa complète immoralité, son irresponsabilité démocratique et l’anarchie qui régnait dans les banques et l’appareil d’État avant l’effondrement.

C’est pourquoi les capitalistes ont rencontré quelques difficultés à recréer leur hégémonie. Le nouveau projet hégémonique qui vise à lier le petit capitalisme islandais à l’UE, avec l’aide du FMI, est porté par les socio-démocrates du gouvernement. Ce projet n’obtient pas de véritable soutien d’une large part de la population et provoque de profonds clivages au sein de la coalition gouvernementale.

Le manque de soutien de l’aile gauche composée des socialistes écologistes aux politiques procycliques dictées par le FMI, comme la détermination de la population à lutter contre les coupes dans les services de santé, l’éducation, etc., ont mis en difficulté le gouvernement. En outre, les partis politiques traditionnels ont peur d’aller aux élections en raison de l’effet Besti flokkurinn. En avril 2010, un parti bouffon comme son nom l’indique (signifie le Meilleur parti), a remporté les élections municipales dans la capitale, Reykjavik, avec environ 35 % des voix. Ce parti a récupéré une grande partie des votes de gauche, mais n’a malheureusement pas grand-chose à voir avec un parti de gauche ou anticapitaliste.

L’un des effets de la crise a été l’énorme désillusion vis-à-vis de la politique pratiquée dans les démocraties capitalistes tardives. D’où la victoire massive du parti Besti flokkurinn. On peut le considérer comme une manifestation évidente de la crise hégémonique du système, mais elle s’est révélée bien futile, dans la mesure où le Besti flokkurinn a fait alliance avec les socio-démocrates au conseil municipal de Reykjavik et soutient activement la politique gouvernementale de coupes procycliques, etc.

Il semblerait que le Besti flokkurinn ne plaisante qu’à moitié dans son programme. Il cherche à restaurer le système de protection sociale/hégémonie scandinave de l’après-guerre. Toutefois, comme nous l’avons déjà signalé, il n’est pas très actif dans la lutte contre la politique du FMI en Islande et ne semble pas avoir de politique à proposer dans ce domaine, ce qui signifie que le FMI a le champ libre.

Traduit de l’anglais par Dominique Martin.

Titre original : ’Debt restructuring and Constitutional Assembly in Iceland’.