La dette publique française

, par Robert Joumard

L’objectif de cette étude (cf. fichier pdf ci-dessous) est principalement de déconstruire certains raisonnements habituels afin de traiter la question de la dette publique sur des bases correctes. Nous exploitons pour cela de nombreuses statistiques publiques établies sur le long terme.

Nous critiquons tout d’abord certaines méthodes couramment employées pour parler de dette publique : les analyses des évolutions de court terme qui n’ont souvent guère de signification, les unités parfois instrumentalisées sans poser la question de leur validité, notamment le choix d’exprimer la dette publique ou les prélèvements obligatoire en % du PIB. Cela nous amène tout d’abord à apporter un regard critique sur le PIB lui-même, puis à préférer exprimer la charge de la dette (intérêts et amortissement) en % des recettes, enfin à abandonner la mesure des prélèvements obligatoires en % du PIB.

Nous présentons ensuite un panorama de la dette publique française à l’aide de nombreuses statistiques, pour en avoir une vue aussi large que possible. L’État est responsable de 79 % de la dette publique, les collectivités locales de 10 % et la Sécurité sociale de 11 %. Nous calculons le coût réel de la dette de l’État en intégrant l’amortissement du capital : il se monte à 6,4 % du PIB, correspondant au coût de 2,9 millions d’emplois hors coût d’équipement. L’effet boule de neige explique près du tiers de la dette publique. Il ne faut enfin pas oublier les dettes privées, près de 3 fois supérieures à la dette publique.

Nous examinons par la suite trois argumentations dans le champ de la dette publique : la droite est bonne gestionnaire contrairement à la gauche, l’État vit au dessus de ses moyens, et le coût du travail est trop élevé. C’est essentiellement les gouvernements de droite qui ont fait augmenter la dette publique. Si les dépenses de l’État ont fortement diminué depuis 30 ans, ses recettes ont encore plus chuté, ce qui montre que la dette est due à la chute des recettes et non à l’augmentation des dépenses. La chute des dépenses de l’État pour les services publics est très importante, et notamment pour l’enseignement-recherche, la défense et les services généraux. Elle est en grande partie compensée par la hausse des dépenses de service public des collectivités locales. La chute des recettes est due aux diminutions très importantes de la fiscalité des citoyens les plus riches et des entreprises (surtout des plus grandes). Ces cadeaux fiscaux sont responsables de l’essentiel du déficit de l’État, qui serait même en excédent certaines années hors cadeaux fiscaux. Les cadeaux fiscaux sont cependant loin d’être le seul mécanisme des déficits publics. L’ensemble des mécanismes sont responsables de près de 240 Md € de recettes perdues, à comparer aux 99 Md € de déficit public. L’évaluation de l’impact combiné sur la dette des cadeaux fiscaux, de l’évasion fiscale des particuliers permise par le secret bancaire et de l’effet boule de neige montre que ces seuls 3 mécanismes du déficit sont responsables de la totalité de la dette de l’État. La prise en compte, par extrapolation, des autres mécanismes du déficit montre avec certitude que l’annulation des mécanismes du déficit ou d’une partie d’entre eux permettrait d’annuler la dette publique. La dette publique n’est donc due qu’aux différents mécanismes – mis en place ou non combattus, pour réduire les recettes publiques, et non à d’autres phénomènes liés à la dépense publique. La totalité de la dette publique 2012 serait donc illégitime.

L’analyse de l’évolution du partage de la valeur ajoutée montre que la part des salaires directs et indirects a chuté de 7 points depuis 15 ans, au bénéfice des détenteurs du capital. On a donc assisté à un transfert de 100 à 150 Md € au bénéfice des plus riches.

La dette publique joue ainsi un grand rôle dans la spirale des inégalités, partie d’une chaîne de causalités qui permet l’enrichissement de quelques uns et l’appauvrissement de la plupart.

Enfin nous évoquons quelques pistes pour s’extraire du piège de la dette publique : s’extraire des mains de la finance, engager une réforme fiscale, relancer l’économie et répartir autrement les richesses créées, enfin exiger un audit de la dette.

Les données utilisées et les figures sont dans 2 fichiers Excel en ligne :

 l’un sur les dépenses et recettes,
 l’autre sur le partage de la valeur ajoutée.

Cette étude est en outre présentée sous la forme de 5 diaporamas en ligne.

La majeure partie de cette étude a été mise à jour et augmentée ultérieurement.